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     Deux morts en cinq jours sur une commune de la taille de Prangins, ça a jamais dû arriver, même pendant la guerre. ’Faudrait vérifier mais je pense pas trop me tromper. Donc, déjà, en soi, c’est exceptionnel. Ensuite, si l’on considère les victimes, leurs profils n’ont absolument rien à voir, ce n’est pas le même sexe, ni le même âge, il n’y a pas de lien de parenté ou d’amitié (ils ne se connaissaient visiblement pas), ni le même niveau socioculturel… bref, rien qui pourrait permettre d’établir un lien entre eux, ça aussi c’est très étrange. Ben oui, vous ne trouvez pas curieux que les deux victimes n’aient rien en commun alors que l’on se trouve dans une commune de mille habitants où tout le monde se connaît plus ou moins ? D’où mon hypothèse : ce ne sont pas un accident et une mort naturelle comme le chef d’agence le dit, ou aimerait le croire, mais deux morts indubitablement liées entre elles, la preuve étant que le tueur (puisqu’il s’agit de deux crimes) a pris un soin tout particulier dans le choix de ses proies, justement pour qu’on ne puisse les associer et, par conséquent, remonter jusqu’à lui. Oui, m’sieurs dames, voilà exactement au point où j’en suis.
     Et là vous allez m’dire (je connais votre sarcasme mordant): oui, d’accord, c’est très bien comme théorie, mais à qui peut-on attribuer ces deux crimes odieux ? Je vous l’accorde, deux crimes en cinq jours sur Prangins c’est remarquable, mais deux crimes sans auteur, ça l’est tout de suite moins, intéressant, comme une pizza Royale sans œuf ou un jeans sans poche : c’est bien mais pas top ! Donc, quel suspect – car il faut bien respecter la présomption d’innocence – pour les meurtres de Jocelyne Boratyn et William Harold Marion ? Je vous le demande ou plutôt, vous me le demandez. Eh ! Bien, Mesdames et Messieurs les jurés, je vais vous le dire. Cette personne inhumaine, qui a moins de dignité qu’un animal sauvage (car lui ne tue que pour se nourrir), cette personne infâme, abjecte, répugnante qui a perpétré ces crimes odieux, c’est… (roulement de tambour) René !
     Alors, j’en vois déjà un ou deux qui ricanent doucement. Comment qu’on peut accuser René alors qu’il y a absolument aucun lien établi entre l’auteur présumé et les victimes ? C’est vrai, René a assez bien manœuvré jusque-là pour être exempt de tout soupçon. Mais, parce qu’il y a un mais, je vous rappelle que René est un homme extrêmement violent, qu’il a menacé par deux fois de tuer Maurice, qu’il a une dépendance avérée à l’alcool et qu’en plus, il a de sérieux problèmes psychiatriques (eu égard à son prénom). Cela ne fait pas forcément de lui un criminel mais avouez quand même que ça en fait un suspect plus que convaincant. Reste la question de savoir comment confondre René. C’est ce à quoi nous allons nous attacher dès à présent…

— Chapitre 7

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